Cinq premiers ministres se sont succédé depuis 2006 (Antoine Gizenga, Adolphe Muzito, Augustin Matata, Samy Badibanga et Bruno Tshibala), mais aucun d’eux n’a été déchu par l’Assemblée nationale. Ce qui n’est pas le cas avec les provinces où les gouverneurs sont vulnérables, à la merci des députés provinciaux. Si certains ont tenu et résisté grâce à leurs stratagèmes financiers, beaucoup sont tombés suite aux motions de défiance de ces députés provinciaux. Tenez, dans l’ancienne configuration de 11 provinces, le Kasaï occidental tout comme l’Equateur ont connu chacun, la déchéance de deux gouverneurs (Trésor Kapuku et Hubert Kabasubabo pour le premier, José Makila et Jean-Claude Baende pour le second) ; le Bandundu et le Maniema ont vu tomber Richard Ndambu et Didier Malara. Le Sud-Kivu voit défiler à ce jour à sa tête quatre gouverneurs élus par les mêmes députés qui siègent à la Botte (Louis-Léonce Muderwa, Célestin Cibalonza, Marcellin Cishambo et Claude Nyamugabo ou Elie Zihindula, l’un des deux en attendant le deuxième tour de mardi prochain).
Aujourd’hui, avec la nouvelle configuration de 26 provinces déclenchée il y a moins de deux ans, au moins huit provinces changent des gouverneurs. Dans d’autres comme l’Ituri et le Nord-Ubangi, l’épée de Damoclès est suspendue sur les têtes de leurs animateurs. Et si les griefs généralement avancés se résument en la mauvaise gouvernance, mauvaise gestion des finances, détournement des deniers publics et incompétence, les gouverneurs victimes de déchéance évoquent eux, le monnayage des motions, l’avidité et l’affairisme des députés provinciaux. Ainsi révolté par les menaces et intimidations répétitives, Hubert Kabasubabo qui avait accepté d’être déchu de la tête du Kasaï Occidental, avait par la même occasion dénoncé la vassalisation des gouverneurs par les députés provinciaux, motivée par l’avidité d’argent. Jean-Claude Kazembe et Cyprien Lomboto, respectivement gouverneurs du Haut-Katanga et de la Tshuapa, déchus et réhabilités par la Cour Constitutionnelle, ont aussi dénoncé cette avidité doublée de la manipulation des députés provinciaux par les politiciens de Kinshasa. Tous révèlent que les députés provinciaux se battent bec et ongles pour le renouvellement des gouverneurs en vue de se faire de l’argent.
Sans raison, l’organisation de l’élection des gouverneurs s’avère une opportunité pour ces députés de faire petite fortune quand on sait que la Majorité présidentielle ne lésine pas sur les moyens financiers dans pareille occasion, susceptibles de faire de ces députés provinciaux des dieux-patrons. Ces derniers s’arrangent même pour créer le deuxième tour de l’élection pour avoir du bonus. Ils l’avaient fait à l’Equateur après le départ de Jean-Claude Baende. Bouffant à tous les râteliers, ils avaient manigancé pour qu’il y ait des bulletins de vote mal remplis et d’abstention. Le MP feu Louis Koyagialo et le MLC Jean-Lucien Bussa avaient dû remettre pour la seconde fois une prime supérieure par rapport à la première aux députés provinciaux véreux de l’ex-Equateur en vue d’avoir leurs voix. Le même constat est fait avec les élections de samedi dernier à la Tshopo, à la Tshuapa et au Sud-Kivu où le deuxième tour est programmé. La Majorité présidentielle va certes vomir encore des dollars…
Pire, dans cet affairisme, les députés provinciaux oublient leur tendance idéologique et leur appartenance politique. Le MLC de Jean-Pierre Bemba en a payé les frais dans l’ex-Equateur et tout récemment dans le Sud-Ubangi où les candidats MP le remportent toujours.
La protection des gouverneurs s’impose
S’il est vrai que les chefs des exécutifs provinciaux sont l’émanation des députés provinciaux, il est tout aussi vrai qu’ils remplissent des lourdes responsabilités constitutionnelles au-delà des prérogatives provinciales. En effet, ces gouverneurs de provinces sont également les représentants du gouvernement central dans son ensemble et de chaque ministre de ce gouvernement central. Ils remplissent donc le rôle de représentation active tant du gouvernement de la République que de leurs provinces. D’où le mode de leur élection doit interpeller le législateur. Autant le premier ministre est protégé par sa majorité parlementaire, autant les gouverneurs de province doivent l’être aussi. Matière à réfléchir pour les députés nationaux pour protéger les gouverneurs contre les caprices et les intérêts égoïstes des députés provinciaux.
Agnalo Agnade