La Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a établi la responsabilité du Gouvernement de la République Démocratique du Congo dans le massacre en 2004 de plus de 70 personnes à Kilwa, dans l’ex-province du Katanga. Elle exige qu’une indemnité historique de 2,5 millions de dollars américains soit versée aux victimes et leurs familles. Cette décision fait suite à la plainte pour le compte de 8 victimes, déposée en novembre 2010 à la Commission Africaine par RAID (Rights and Accountability in Development), ACIDH (Action Contre l’Impunité pour les Droits Humains) et IHRDA (Institute for HumanRights and Development in Africa), basés respectivement au Royaume-Uni, en RDC et à Banjul, en Gambie. Elle découle d’une bataille juridique de 13 ans engagée pour la justice en faveur des victimes et leurs familles, qui n’ont toujours vu aucun soldat ou un employé de la société minière Anvil Mining, traduit en justice. La Commission a constaté que les hauts fonctionnaires congolais ont entravé la procédure judiciaire en RDC et n’ont pas assuré aux victimes une justice impartiale et indépendante.
Par sa décision sans précédent, la Commission a constaté également la violation par le Gouvernement congolais de neuf dispositions de la Charte Africaine, y compris les exécutions extrajudiciaires, la torture, les arrestations arbitraires, les disparitions et les déplacements forcés entre autres. La Commission accorde aux 8 victimes mentionnées dans la plainte 2,5 millions de dollars américains de dommages-intérêts, le montant le plus élevé dans l’histoire de cette institution. Elle exhorte le Gouvernement congolais à identifier et à indemniser les autres victimes et leurs familles qui ne sont pas parties à la plainte et qui ont aussi été directement touchées par l’attaque.
La Commission a déclaré que le Gouvernement congolais devrait présenter officiellement des excuses aux habitants de Kilwa, exhumer et réinhumer avec dignité les corps ensevelis dans une fosse commune, construire un mémorial, fournir une assistance pyscho- sociale aux personnes touchées par le traumatisme, reconstruire l’école, l’hôpital et les autres infrastructures détruites lors de l’attaque.
Quant à la société Anvil Mining, une société minière australo-canadienne, qui a exploité une mine de cuivre et d’argent à Dikulushi, à 50 kilomètres de Kilwa, elle a fait l’objet d’une réprimande publique à cause de son rôle dans les violations, qui a consisté à fournir un soutien logistique aux soldats qui ont bombardé sans discernement des civils, exécuté sommairement au moins 28 personnes et éliminé beaucoup d’autres après qu’un petit groupe de rebelles légèrement armés a essayé de prendre le contrôle de la ville. La commission exhorte le Gouvernement congolais à lancer une nouvelle enquête criminelle et « prendre toutes les mesures diligentes à l’effet de la poursuite et de la sanction des agents de l’État et le personnel de la Société Anvil Mining impliqués dans les violations constatées. »
La RDC s’exécutera-elle ?
Etre condamné est une chose. Réparer les dommages subis par les victimes en est une autre. Les ONG peuvent beau crier victoire, mais une chose est certaine : l’Etat congolais est un mauvais payeur des dettes. Plusieurs fois condamné civilement responsable par des cours et tribunaux dans divers dossiers civils comme pénaux, on n’a jamais vu l’Etat congolais payer les dommages et intérêts lui infligés par la justice en faveur des tierces personnes victimes. Il y a la crainte que les 2,5 millions décidés par la Commission de l’UA soient inscrits dans la dette intérieure qui prend généralement beaucoup d’années pour être payée ou qui n’est pas du tout payée. Une autre crainte est de voir les décisions de cette Commission s’accumuler sans effet. C’est le cas de le dire pour la décision dans le dossier qui oppose le Mouvement du 17 Mai (M17) d’Augustin Kikukama à la RDC, rendue en janvier 2015 au sujet des élections de 2006 où ce parti a vu les mandats de ses membres à l’Assemblée nationale, être attribués à d’autres partis au pouvoir. Le M17 misait et mise toujours sur au moins dix millions de dollars de dommage…le mois buttoir pour l’exécution était septembre 2015. Mais jusqu’à présent, Augustin Kikukama n’a pas touché à un seul sou. Et la RDC n’est pas inquiétée, la Commission n’ayant pas de méthodes coercitives.
Ginno Lungabu